Le bilinguisme, tremplin pour l'apprentissage de nouvelles langues


Dans un monde de plus en plus interconnecté, la maîtrise de plusieurs langues est un atout indéniable. Si l’apprentissage d’une langue étrangère peut sembler une tâche ardue pour beaucoup, les personnes bilingues possèdent un avantage significatif pour acquérir une troisième, voire une quatrième langue. Loin d’être une simple addition de vocabulaires, le bilinguisme façonne le cerveau de manière à le rendre plus apte et efficace dans l’acquisition de nouveaux systèmes linguistiques. Cet avantage repose sur des bénéfices cognitifs et neurologiques bien documentés.

Une conscience métalinguistique aiguisée

L’un des principaux atouts du bilingue est sa conscience métalinguistique développée. Ayant grandi en naviguant entre deux systèmes linguistiques, il a une compréhension plus intuitive et explicite de la structure du langage. Des concepts comme la grammaire, la syntaxe et la conjugaison ne sont pas des notions abstraites, mais des éléments qu’il a appris à manipuler et à différencier instinctivement. Cette capacité à penser sur le langage, à en analyser les composantes, facilite grandement l’approche d’une nouvelle langue.

Le bilingue a déjà l’expérience du “décorticage” d’un code linguistique, ce qui lui permet de repérer plus rapidement les similitudes et les différences avec les langues qu’il maîtrise déjà. Des études, comme celles menées par la chercheuse Ellen Bialystok, ont démontré que les enfants bilingues surpassent les monolingues dans des tâches qui requièrent une compréhension de la structure arbitraire du langage.

Flexibilité cognitive et agilité mentale

Le cerveau bilingue est constamment en exercice. Il doit gérer deux langues simultanément, en inhibant l’une pour en activer l’autre en fonction du contexte. Cette gymnastique cérébrale quotidienne renforce ce que les psychologues appellent les fonctions exécutives. Celles-ci incluent l’attention sélective, la capacité à passer d’une tâche à une autre et la résolution de problèmes.

Cette flexibilité cognitive accrue se révèle être un avantage majeur lors de l’apprentissage d’une nouvelle langue. L’apprenant bilingue est plus à même de jongler avec de nouvelles règles grammaticales et de nouvelles sonorités, sans être “bloqué” par le moule de sa langue maternelle. Il est plus apte à accepter qu’un mot puisse avoir plusieurs sens ou qu’une idée puisse être structurée différemment. Selon une étude publiée dans la revue Brain and Language, cette agilité mentale permettrait aux bilingues de mieux s’adapter aux exigences cognitives de l’apprentissage d’une langue supplémentaire.

Un cerveau “câblé” pour les langues

Sur le plan neurologique, le bilinguisme entraîne une plasticité cérébrale accrue. La recherche en neurosciences a montré que la matière grise, responsable du traitement de l’information, est plus dense chez les bilingues dans les régions du cerveau associées au langage et aux fonctions exécutives. Le cerveau bilingue est en quelque sorte plus “musclé” pour les tâches linguistiques.

De plus, l’expérience de l’apprentissage d’une deuxième langue crée des réseaux neuronaux qui peuvent être réutilisés et adaptés pour une troisième. Le cerveau a déjà “appris à apprendre” une langue. Il a développé des stratégies efficaces pour la mémorisation du vocabulaire, la compréhension grammaticale et la production de nouveaux sons. L’acquisition d’une nouvelle langue ne part donc pas de zéro ; elle s’appuie sur une fondation solide et des circuits neuronaux déjà bien établis.

En conclusion, être bilingue offre bien plus que la capacité de communiquer dans deux langues. C’est un véritable entraînement cérébral qui développe des compétences cognitives et une flexibilité mentale, transformant l’apprentissage de nouvelles langues d’un défi intimidant à une opportunité plus accessible et plus rapide à saisir.


Sources:

  • Bialystok, E. (2001). Bilingualism in Development: Language, Literacy, and Cognition. Cambridge University Press.
  • Marian, V., & Shook, A. (2012). The Cognitive Benefits of Being Bilingual. Cerebrum: the Dana Forum on Brain Science.
  • Kaushanskaya, M., & Marian, V. (2009). The bilingual advantage in novel word learning. Psychonomic Bulletin & Review, 16(4), 705–710.
  • Cenoz, J., & Valencia, J. F. (1994). Additive trilingualism: Evidence from the Basque Country. Applied Psycholinguistics, 15(2), 195-207.